Imaginez une ville, figée dans le temps, nichée au cœur du désert, où le silence du sable côtoie l’écho des siècles passés. Oualata, surnommée « le rivage de l’éternité », est l’une des quatre cités anciennes de Mauritanie, un témoignage vivant d’une époque où le Sahara était un carrefour de savoir et de commerce. Mais cette ville magnifique et extraordinaire, selon les mots de Sidi Mohamed Lemine Sidiya, est aujourd’hui confrontée à des défis majeurs, une lutte constante pour survivre face aux éléments et aux mutations du monde.
Un héritage menacé par le temps et le climat
Oualata, comme ses consœurs Chingetti, Tichit et Ouadane, a prospéré grâce à sa position stratégique sur les anciennes routes caravanières, devenant un centre d’érudition et de culture islamique entre les XIe et XIIe siècles. Aujourd’hui, les rues dépeuplées témoignent d’un passé glorieux, mais aussi des ravages causés par les pluies torrentielles et la désertification galopante. Les maisons en banco, l’enduit de terre rouge typique de la région, s’effritent sous l’assaut du climat, et l’exode des habitants aggrave la situation.
L’exode, un défi pour la préservation
L’une des principales menaces qui pèsent sur Oualata est l’exode de ses habitants, attirés par de meilleures opportunités économiques ailleurs. Cette migration, bien que compréhensible, a pour conséquence de laisser les bâtisses historiques sans entretien, condamnant ainsi ce patrimoine architectural. Sur les 293 parcelles de la vieille ville, seule une centaine sont encore occupées, laissant les autres se dégrader inexorablement.
La désertification : un combat quotidien
La désertification, un phénomène qui touche 80% du territoire mauritanien, est un autre défi majeur pour Oualata. Le sable envahit progressivement la ville, menaçant de l’engloutir complètement. Ce phénomène est exacerbé par les changements climatiques et les pratiques d’exploitation non durables, transformant le paysage et rendant la vie difficile. On se souvient que dans les années 80, la mosquée était tellement ensablée que les fidèles devaient prier sur le sable.
Les trésors cachés de la culture islamique
Malgré les difficultés, Oualata conserve précieusement les vestiges de son passé prestigieux. Les superbes portes en acacia, ornées de motifs traditionnels peints par les femmes, témoignent d’un savoir-faire ancestral. Surtout, la ville abrite des bibliothèques familiales qui conservent des milliers de manuscrits centenaires, transmis de génération en génération. Ces ouvrages, véritables trésors de la culture islamique, constituent une source inestimable d’informations sur l’histoire, les sciences et la religion.
Les manuscrits : un patrimoine fragile
Parmi ces trésors, on trouve des manuscrits datant du XIVe siècle, témoignant de la richesse intellectuelle de la région. Leur préservation est un défi constant. Exposés aux intempéries et au manque de ressources, ces écrits précieux nécessitent des soins particuliers pour ne pas disparaître. La coopération espagnole a permis la restauration et la numérisation de plus de 2 000 ouvrages, mais les financements manquent pour assurer la pérennité de ce patrimoine.
Des initiatives pour un avenir incertain
Conscients de l’urgence, quelques initiatives ont été mises en place pour tenter de sauvegarder Oualata et ses trésors. La plantation d’arbres autour de la ville, initiée en 1994, est un pas dans la bonne direction, mais reste insuffisant. L’organisation d’un festival annuel des villes anciennes permet de lever des fonds pour la rénovation des bâtiments et le développement économique, dans l’espoir de maintenir la population sur place.
L’espoir renaît avec la lumière du soir
Malgré les défis, Oualata conserve une âme. Chaque soir, lorsque le soleil disparaît derrière les montagnes du Dhaar, la vie reprend ses droits. Des centaines d’enfants envahissent les rues, rappelant que l’espoir et la mémoire persistent dans ce lieu magique, où le passé et le présent se rencontrent constamment. La lutte pour préserver ce patrimoine millénaire continue, portée par la détermination de ses habitants et la volonté de ne pas laisser le sable et le temps effacer une part essentielle de l’histoire.